Extrait Umbra

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Une anti-pièce contemporaine avec deux personnages mâles confrontés à des questions existentielles, essayant de se réconcilier avec ce qu’ils sont et l’absurdité totale de leur existence.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Nourrir l’absurdité.
Nature est extrêmement maline.
Non-être est vraiment vu.
Ne pas inclure les scénarios tendus.
Négation aux esclaves.
Néant de la vie de l’ombre.
Ne jamais inviter le vide.
Naturelle dans l’extrême.
Nouer dans l’obscurité.
Nulle part dans la charge.
Noblesse n’est cruellement innocente.
 
 
 

Les Hommes
 
 
GENO et HENDY

 

Alors que le rideau s’ouvre, nous voyons une chambre qui ressemble à un petit entrepôt. Les murs sont peints d’une couleur sombre et fatiguée. L’éclairage est lugubre. Il y a des étagères en métal alignée sur les murs des deux côtés de la chambre, et tous ont maintenant des ballots de carton.

Vers le bas droit de la scène, il y a un seau en plastique avec un balai éponge, et juste à côté il y a un tas de vieilles boîtes en carton, délabrées. Il y a une porte peinte en rouge très en arrière dans la salle, à un angle de 45 degrés avec un signe : Sortie, peint en noir au centre. Et bien au-dessus de la porte il y a une fenêtre mais aucune lumière n’en sort. Il y a des barres sur elle. À côté de la porte, il y a une cabine téléphonique à l’ancienne. La porte est ouverte. Le téléphone est en suspens.

Nous voyons deux hommes–GENO et HENDY–debout autour d’une table au milieu de la scène. Il y a une chaise et deux tabourets à côté de la table.

Les hommes sont d’âge indéterminé. HENDY apparaît plus jeune que GENO. Ils portent des vêtements imperceptibles. L’attitude des deux hommes est qu’ils ne s’estiment pas eux-mêmes ni l’un l’autre. Ils sont à la fois, et pas par choix, bloqués l’un avec l’autre ; étrangers jetés ensemble par le paradoxe de l’existence.

Les hommes font l’assemblage ou essayent d’assembler des boîtes en carton. Le seul bruit entendu est le bruit que rend le carton comme ils travaillent.

Assembler les boites est tout ce que les acteurs vont faire. Seules quelques boîtes devraient être assemblées au cours de la pièce. C’est plutôt une illusion qu’une réalité effective. L’assemblage devrait être réalisé dans un staccato et de façon infructueuse; un acte de soumission sisyphéenne.

L’ambiance est corrodée, vielle et glauque, quelque chose que la vie n’a pas favorisé. Le temps est indécis. L’emplacement : n’importe où. Le sentiment : la tromperie.

 

HENDY : GENO il nous faut de ruban d’emballage.
(Il montre un rouleau de ruban d’emballage en plastique transparent, qui est presque vide.)
GENO : Je le sais. T’as vérifié là-bas ?
(HENDY marche vers l’arrière. Il ramasse une boîte et la retourne pour montrer qu’elle est vide.)
HENDY : Je pense que c’est la dernière.
GENO : Vérifie la cabine.
HENDY : La cabine ?
GENO : Oui, la cabine.
HENDY : Pourquoi le ruban serait-il dans la cabine ?
GENO : Parce-que nous traitons avec des fous dans ce
lieu.
(HENDY se dirige vers la cabine, et ne paie pas d’attention au téléphone ballant.)
HENDY : Il n’y a aucun ruban d’emballage ici.
GENO : J’ai pensé qu’il serait là.
(HENDY regard la porte rouge.)
HENDY : (exaspéré) Et dans le couloir ?
GENO : Jette un coup d’œil.
(HENDY ouvre la porte et disparaît pour quelques instants.)
HENDY : (hors scène). Merde alors . . .
GENO : Quoi ?
(HENDY entre en scène et il porte quatre ballots de carton et les laisse tomber sur la table.)
Qu’est-ce que c’est ça ?
HENDY : Ils étaient à l’extérieur. Je me demande depuis
combien de temps ils sont là-bas.
GENO : Nous n’avons pas ruban d’emballage, et
maintenant nous avons encore des boîtes à
assembler ?
HENDY : C’est ridicule.
GENO : Et il n’y avait aucun ruban d’emballage avec ces
boîtes ?
HENDY : Non.
GENO : T’es sûr ?
HENDY : (rebuté). Vérifie dehors si tu ne me crois pas.
(GENO hésite un instant, néanmoins, il se dirige vers la porte, sort, puis quelques instants plus tard, il revient. Il ferme la porte.)
HENDY : (cynique). Satisfait maintenant ?
GENO : Détends-toi. Ne sois pas en colère contre moi.
HENDY : (pause). Désolé.
GENO : C’est pas grave.
(GENO retourne à la table)
HENDY : Comment allons-nous assembler toutes ces
boîtes si nous n’avons pas de ruban
d’emballage ?
GENO : Aucune idée.
HENDY : C’est stupide. Nous faisons cela depuis si
longtemps. C’est inutile.
(Il se dirige vers le fond de la scène et
regarde les grilles en métal et les cartons posés dessus. Il est accablé par ce qu’il voit. Il pointe vers le carton sur les étagères.)
J’ai pensé que c’étaient les dernières . . .
(abattu). . . . il n’y a pas de fin, si ?
GENO : (pause). Je ne pense pas. Je ne sais pas si t’as
remarqué mais je jurerais presque toutes ces
boites ont été assemblées avant.
HENDY : Par nous ?
GENO : Je ne sais pas. Je vois des traces de ruban
d’emballage sur elles ce qui signifie que nous
faisons la même chose encore et encore . . .
pourquoi ? Quel est l’intérêt ?
HENDY : Peut-être que nous sommes dans le cycle « pour
sauver la terre » ?
GENO : Sauver la terre . . .
HENDY : (pause). Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Nous
allons prendre du retard sans aucun ruban
d’emballage.
GENO : Ce n’est pas notre faute.
HENDY : C’est toujours de notre faute.
GENO : (amer). Je suis malade de traiter avec cette
merde. C’est la même chose, ça ne change
jamais.
HENDY : (en plaisantant). Pourquoi ne pas soumettre
une pétition au patronat demandant des
changements dans les procédures ?
GENO : Une pétition ? C’est malin, ça.
HENDY : T’es nouveau ici. Peut-être qu’ils t’écouteront.
GENO : Que se passe-t-il ? Ils ne t’écoutent pas ?
HENDY : Non, essaie. Qu-est-ce que t’as à perdre ?
GENO : Du temps.
HENDY : Le temps . . . c’est tout ce que nous avons.
GENO : Je n’aime pas le perdre.
HENDY : Tu veux le conserver quelque part pour une
raison ou autre ?
GENO : (cyniquement). Oui, je le garde dans une
capsule-temps pour pouvoir l’utiliser plus tard,
pour prendre l’autobus et aller voir un type
pour un chat.
HENDY : C’est drôle. J’ai pensé que c’était pour « aller
voir un homme pour un chien ? »
GENO : Je n’aime pas les chiens.
HENDY : Oh, excusez-moi Monsieur Chat-Man.
GENO : Ce n’est pas vrai. J’aime les chiens.
HENDY : J’aime les chiens, aussi. En fait, je suis
allergique aux chats. J’ai lu une fois sur un gars
français qui a écrit que plus il réfléchissait sur
l’humanité, plus il aimait son chien.
GENO : De la Fontaine.
HENDY : De la quoi ?
GENO : C’est le nom du gars qui l’a écrit.
HENDY : Peut-être qu’il était allergique aux chats.
(pause). Où t’as appris ça ?
GENO : Á l’école quand j’étais gamin.
HENDY : T’es d’origine française ?
GENO : Non.
HENDY : Dans quel type d’école t’es allé ?
GENO : L’école paroissiale.
HENDY : Ils enseignent le français dans cette école ?
GENO : Une des religieuses était française, donc elle
nous a parlé de la Fontaine.
HENDY : S’il n’y avait pas des jolies femmes, je ne
supporterais pas les français. Beaucoup des
femmes françaises sont belles, minces, sexy et
très chics.
GENO : C’est vrai.
HENDY : Alors t’es un gars religieux?
GENO : Qui t’as donné cette idée ?
HENDY : Eh bien, t’es allé à l’école catholique, tu sais,
chapelets, confessions, de communion, de
rachat, toutes ces bonnes choses.
GENO : Oui, toutes les bonnes choses.
HENDY : J’ai entendu dire que les religieuses sont assez
difficiles.
GENO : C’est vrai.
HENDY : Les religieuses dans ton école c’étaient des
belles garces ?
GENO : C’étaient des religieuses. J’étais juste un gamin.
HENDY : Eh bien, certaines d’entre elles ne sont pas
mauvaises.
GENO : Oui, je pense que oui. Où es-tu allé à l’école,
toi ?
HENDY : Pas à l’école paroissiale. Quand j’étais gamin, je
suis allé dans une école normale. Mes parents
n’étaient pas religieux.
GENO : Les miens non plus. Ils ont juste pensé que
j’avais besoin d’un peu plus de discipline.
HENDY : Et les religieuses étaient responsables de
l’application des règles.
GENO : Oui, des femmes dures.

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